Article sur la construction durable

Publié le 25 novembre 2022

La SSE Genève et la Fédération des Métiers du Bâtiment (FMB) ont co-écrit un article paru dans le Journal de la FMB "Dimensions et Perspectives" (nov. 2022)

La Construction durable, une responsabilité collective 

Née à la fin des années 1980, la notion de durabilité est aujourd’hui omniprésente. À l’échelle individuelle, nos modes de consommation sont fortement influencés par le critère de durabilité. Parallèlement, pour les entreprises, produire de manière durable ne constitue plus une option, lorsque ce n’est pas déjà une obligation légale. 

Cela, les entreprises de construction l’ont bien compris. Le domaine du bâtiment compte en effet parmi les  domaines stratégiques dans le cadre des politiques climatiques tant cantonales que fédérales. Mais la durabilité ne concerne pas que la diminution des émissions de gaz à effet de serre ou de la consommation énergétique des bâtiments. Processus industriels, choix des matériaux, prise en compte de la durabilité sociale et économique lors de la conception et de la réalisation des projets, autant d’enjeux et de domaines d’action qui prennent une place de plus en plus centrale dans l’acte de construire. 


La construction est précurseur 
Si le débat public sur la durabilité connaît depuis peu une effervescence nouvelle, portée notamment par le nouveau cadre légal des marchés publics (loi fédérale entrée en vigueur en 2021 et nouvel Accord intercantonal AIMP), cette prise de conscience ne date pas d’hier au sein du monde de la construction. Dans le Gros œuvre par exemple, les entrepreneurs membres de la Société Suisse des Entrepreneurs Genève (SSE Genève) s’engagent depuis plus de 15 ans en faveur de la durabilité, et plus récemment, via notamment, la promotion de l’économie circulaire, ainsi que le recyclage et le réemploi des matériaux. En 2009 déjà, l’association créait une Commission Développement durable pour permettre à ses membres d’échanger sur toutes les thématiques liées à la réduction de l’empreinte carbone de la construction. On doit notamment à cette Commission la création, en 2014, de l’outil « Bilan carbone chantier et bâtiment » (B2CB). Fruit d’une collaboration entre l’État de Genève, les SIG et la SSE Genève, il permet l’évaluation de l’impact carbone de la réalisation d’un projet. Pour aller plus loin encore, la SSE Genève a créé en 2015 une Charte Développement durable, reconnue par l’État de Genève.

En signant cette Charte, l’entreprise s’engage à respecter les principes des trois piliers du développement durable : social, économique et environnemental. Elle prend des mesures pour minimiser l’impact de ses activités sur l’environnement en maîtrisant sa consommation d’eau et d’énergie, mais aussi, par exemple, en favorisant l’achat de véhicules moins polluants. Enfin, des critères environnementaux et sociaux sont intégrés dans sa politique d’achat de produits ou de services. Les autres branches de la construction ne sont pas en reste. Formation continue dans les métiers liés à la transition énergétique, offre en matériaux de construction répondant à des standards environnementaux élevés, élaboration de solutions concertées avec l’Etat et SIG dans le cadre notamment du programme eco21, autant d’activités quotidiennes qui soulignent l’engagement des divers métiers en faveur de la durabilité. La MBG, l’association des Métiers techniques du Bâtiment Genève, a récemment nommé un coordinateur pour la transition énergétique, chargé d’assurer la coordination entre les divers métiers représentés en son sein, les maîtres d’ouvrage et l’administration publique. 

Une responsabilité collective
On le voit, les entreprises et les associations professionnelles sont aux avant-postes de la durabilité. Mais pour que ces efforts puissent être couronnés de succès, un engagement de la part des maîtres d’ouvrage est indispensable. Or, au moment d’opérer un choix entre différents soumissionnaires dans les appels d’offre, les critères de qualité et de durabilité ne sont pas ceux qui prévalent systématiquement. Ces dernières années, on a pu observer que dans l’attribution des marchés publics par exemple, le moins-disant (i.e. le moins cher) l’emporte encore trop souvent sur le mieux-disant (i.e. le meilleur rapport qualité-prix). Il appartient donc aux adjudicateurs publics, lesquels se doivent d’être exemplaires, de mieux prendre en compte ces critères. Actuellement l’utilisation du béton recyclé n’est que de 20% dans les chantiers. Les pouvoirs publics, qui représentent près 50% de la demande, pourraient jouer un rôle d’accélérateur en favorisant l’utilisation de matériaux recyclés.


Eviter les solutions simplistes
On constate trop souvent que certains maîtres d’ouvrage ont tendance à privilégier des solutions qui, si elles peuvent se justifier sous l’angle du marketing, ne sont pas les plus pertinentes sous l’angle de la durabilité. L’effet d’annonce tend à primer sur l’efficacité. Il en est ainsi de la tendance qui consiste à opposer les matériaux les uns aux autres. Certains, à l’image du béton par exemple, sont ainsi régulièrement pointés du doigt , sans que leurs propriétés physiques réelles, le lieu de leur production, leur durée de vie ou encore les options de recyclage ne soient évalués, notamment au moyen d’une réelle analyse du cycle de vie (ACV). 


Privilégier les solutions les plus adaptées
La réalité du développement durable est que chaque matériau a un rôle à jouer. Les véritables enjeux doivent porter sur les modes de production, le bilan écologique global et l’usage du bon matériau au bon endroit. Si l’on reprend l’exemple du béton, les experts sont formels : il reste indispensable au vu des besoins. « (…) si l’on remplaçait le quart du besoin (mondial) en béton par du bois, il faudrait planter une forêt d’une taille faisant une fois et demie l’Inde. » 1, explique la professeure Karen Scrivener à l’EPFL, chimiste des matériaux et pionnière dans le domaine des ciments de nouvelles technologies. La solution est donc à trouver dans le développement de nouvelles générations de béton dits « écologiques » et du béton issu de matériaux recyclés. L’ajout de charbon végétal lors de la production du béton permet, par exemple, de piéger le CO2 pour améliorer son bilan écologique. Dans ce débat, le pragmatisme vaut mieux que le dogmatisme. Il n’y a pas de pérennité sans renouvellement, innovation et progrès. A ce titre, l’histoire montre que les entrepreneurs ont toujours su adapter les techniques et les matériaux utilisés au fil des époques, des besoins, des contraintes écologiques et des innovations technologiques. Pour répondre aux enjeux actuels et diminuer l’empreinte environnementale des futures constructions, les logiciels d’optimisation (BIM – Building information Modeling, par exemple) ou l’automatisation peuvent apporter des solutions. Enfin, il appartient aussi à l‘État de soutenir les entreprises qui investissent dans la recherche et le développement de techniques et de matériaux durables, grâce notamment au fonds climatique prévu dans la nouvelle loi sur le CO2. En conclusion, s’il est vrai que les entreprises de construction continueront à jouer un rôle primordial dans la réduction de l’empreinte carbone de leurs activités, elles ne peuvent pas avancer seules. Il s’agit là d’une responsabilité partagée par l’ensemble des acteurs de l’acte de construire.


1 Le Temps, 4 août 2022 « Béton, le 5e élément : le béton, l’incontournable colosse aux pieds d’argile.»

Voir l'article dans le Journal FMB "Dimensions et Perspectives" (novembre 2022)